Le jet de mousse
Cette expérience amusante, appelée parfois "le dentrice de l'éléphant", illustre une réaction de décomposition autocatalytique de l'eau oxygénée, avec production d'une gerbe de mousse très chaude.
Sommaire
[masquer]1 Précautions
Outre les précautions en chimie qui sont d'usage, cette expérience comporte les attentions suivantes :
- Attention à se protéger les yeux et les mains et ne pas toucher la mousse car elle contient de l'eau oxygénée concentrée
(risques de brûlures chimiques) et elle est très chaude (risques de brûlures thermiques). Éliminer la mousse avec une serpillière humide, bien rincer les surfaces touchées. (À faire en extérieur de préférence !)
- La formation de diiode
peut être irritante, aérer la pièce après l'expérience.
2 Matériel
- Grand cristallisoir, à défaut une grande bassine
- Grande éprouvette étroite ou erlenmeyer
- Petit bécher
- Gants en latex
- Iodure de sodium NaI
ou iodure de potassium KI
- Eau oxygénée à 130 volumes H2O2
- Liquide vaisselle concentré
3 Protocole expérimental
- Dans le petit bécher dissoudre l'équivalent de deux spatules d'iodure de sodium
dans quelques millilitres d'eau tiède.
- Dans l'éprouvette, verser 1 mL de liquide vaisselle puis 5 mL d'eau oxygénée concentrée
. Homogénéiser.
- Placer l'éprouvette à l'intérieur du cristallisoir, bien au centre. Poser l'ensemble sur une surface qui ne craint pas les produits chimiques.
- Verser rapidement la solution d'iodure de sodium dans l'éprouvette et se reculer.
- Observer la formation de plus en plus rapide de mousse qui jaillit de l'éprouvette. La mousse fume, elle est très chaude. Remarquer sa faible coloration marron.
4 Explications
- Il y a plusieurs réactions successives et simultanées pour comprendre cette expérience, qui est plus complexe qu'on ne peut le penser :
1. La demi-pile du couple H2O2/H2O est
- H2O2 + 2 H+ + 2 e– = 2 H2O E0 = 1,77 V
sauf qu'ici la réaction ne s'effectue pas en milieu acide, mais neutre. En ajoutant 2 OH– de chaque côté et en simplifiant par 2 H2O, on trouve l'équation
- H2O2 + 2 e– = 2 OH–
qui correspond au couple
- H2O2/OH– E0' = 1,35 V
Ce potentiel apparent est calculé en utilisation la loi de Nernst
- E0'H2O2/OH– = E0H2O2/H2O – 0,06 pH
avec pH=7 puisque nous somme dans une solution neutre.
2. La demi-pile du couple I2/I– est
- I2 + 2 e– = 2 I– E0 = 0,54 V
3. Comme 1,35 V > 0,54 V, l'oxydant H2O2 réagit avec le réducteur I– selon
- H2O2 + 2 I– → I2 + 2 OH–
En mesurant le pH, celui-ci augmente bien, au delà de 8. Le diiode donne au milieu réactionnel une teinte marron et une odeur iodée.
4. Ce faisant, le pH devient de plus en plus basique. Au delà de pH = 8, le diiode I2 est instable et se transforme en ions iodates IO3– et iodures I–. Le milieu prend une teinte jaune pâle.
5. Les ions iodates IO3– (oxydants) réagissent avec l'eau oxygénée pour former du dioxygène (cette fois-ci, c'est le couple O2/H2O2)
6. Parallèlement à cette réaction, il y a la possibilité de dismuter H2O2 selon l'équation :
- 2 H2O2 → 2 H2O + O2(g)
Cette réaction est très lente à pH neutre car sa cinétique est limité par les transferts d'électrons. Mais elle peut être catalysée par les ions Fe3+, le platine ou encore les ions H+ ou HO–. Dans notre cas, c'est l'apparition d'un pH basique (ions HO–) qui va accélérer cette dismutation (les transferts d'électrons sont accélérés en milieu acide ou basique).
- Ces réactions sont exothermiques, elles dégagent de la chaleur, d'où la formation d'un léger brouillard autours de la mousse, provenant de la recondensation de la vapeur d'eau.
- C'est une réaction autocatalysée par la chaleur qu'elle produit : la chaleur accélère les réactions. Pour cette raison on observe que la réaction s'accélère de plus en plus.
- La mousse provient des minuscules bulles de dioxygène O2
produites par la réaction. Le liquide vaisselle, qui n'entre pas en jeu dans la réaction chimique, est simplement là pour emprisonner ces bulles et forme une fine mousse. Comme la réaction s'accélère la mousse monte de plus en vite. Il est facile de montrer qu'il s'agit bien de dioxygène en trempant dans la mousse une baguette de bois incandescente : celle-ci se rallume.
- Pour un jet encore plus rapide, ajouter un peu d'acide sulfurique
dans l'eau oxygénée.
Quant au nom de "dentifrice de l'éléphant", cette expérience le tient par la forme du jet de mousse qui sort de l'éprouvette, comme du dentifrice qui sort de son tube, en plus grand !
5 Variantes possibles
Il est possible de produire de la mousse avec d'autres réactions chimiques, à condition qu'elles produisent un gaz et d'y ajouter du liquide vaisselle. Exemples :
Mélange | Gaz produit | Danger |
---|---|---|
poudre de craie (calcaire) et vinaigre | CO2 | - |
cachet effervescent et eau | CO2 | - |
eau oxygénée ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() |
O2 | ![]() |
eau oxygénée ![]() ![]() ![]() |
O2 | ![]() |
eau oxygénée ![]() ![]() ![]() |
O2 | ![]() |
acide chlorhydrique ![]() ![]() ![]() |
H2 | ![]() |
Une idée très astucieuse[1] consiste à remplacer l'iodure de potassium (ou sodium) par du foie broyé, environ 1 g, et peu onéreux. En effet, le foie contient une enzyme, la catalase, qui dismute l'eau oxygénée. On évite ainsi la formation de diiode toxique. De plus, cette méthode permet d'ajouter des colorants pour obtenir des mousses colorées, alors qu'en présence de diiode ces colorants réagissent aussi. La réaction est à peine plus lente.
6 Vidéo
- Vidéo : expérience du jet de mousse avec commentaire (3,7 Mo, QuickTime), animation du 18/02/2005 - Chimie en fête.
- Vidéo : expérience du jet de mousse (520 ko, QuickTime), © 2004 Annie Sendin, Lycée Max Linder (Libourne).
- Aller ↑ Proposée par Vincent Carrier, Professeur de Physique au Lycée André Theuriet à Civray