Les anthotypes

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Sous l’effet de la lumière du soleil, la chlorophylle (verte) change de couleur. Ce phénomène, commun à la plupart des pigments d’origine naturelle, est au principe de l’anthotype, un procédé de reproduction d’image découvert par Sir John Herschel (1792-1871) qui inventa également le cyanotype.

Pour des enfants, les anthotypes sont plus faciles à réaliser que les cyanotypes, car on n'utilise ici que des jus de plantes courantes, sans aucun produit dangereux.

Dans "anthotype", on retrouve la racine grecque "ánthos" qui signifie "fleur".

1 Matériel et produits

  • Des épinards ou tout autre végétal riche en chlorophylle.
  • Ciseaux.
  • Mortier et pilon.
  • Mi-bas ou chaussette fine.
  • Papier de type Canson®, de fort grammage (224 g/m2, au minimum).
  • Pinceau plat.
  • Planchette de bois, de taille légèrement supérieure à celle du papier utilisé.
  • Plaque acrylique transparente, de type Plexiglas®, à la taille de la planchette.
  • Pinces à linge.
  • Des images imprimées sur transparents pour rétroprojecteur.

2 Protocole

Extraction du jus d'épinard.

2.1 Préparation de la solution photosensible

  • Laver les épinards et découper en petit morceaux le limbe des feuilles, en laissant de côté la nervure principale, puis les piler au mortier, jusqu’à obtenir une matière pâteuse.
  • Placer cette pâte dans un mi-bas ou une chaussette fine et presser de façon à en extraire tout le jus possible.
  • Procéder ainsi jusqu’à obtenir suffisamment de jus pour enduire le nombre de feuilles de papier désiré (1 kg d’épinard donne environ 200 mL de jus ; quantité suffisante pour imprégner une vingtaine de feuilles au format A4).

2.2 Sensibilisation du papier

  • Avec un pinceau plat, passer une première couche de jus d’épinard en procédant dans le sens de la longueur de la feuille et en laissant une marge d’environ 2 cm tout autour de celle-ci.
  • Attendre que la surface du papier soit sèche au toucher pour repasser une couche, cette fois dans le sens de la largeur, de façon à bien enduire le papier.

2.3 Préparation des tirages

Préparation du châssis.
  • Le tirage se fait par contact du papier sensibilisé avec une image positive imprimée sur du film pour rétroprojecteur. On peut également réaliser des photogrammes en posant des objets directement sur le papier photosensible.
  • Le tirage se fait après avoir ré-humidifié légèrement le papier sensibilisé, afin de favoriser la dégradation de la chlorophylle par la lumière. On pose l’image à reproduire sur le papier sensible ; par dessus, on pose une plaque de polyester transparent (de type Plexiglas®) ; enfin, on installe le tout sur une planchette de bois. Pour solidariser l’ensemble, on utilise des pinces à linge.

2.4 Exposition et révélation

Insolation des planches.

L’exposition se fait au soleil ou sous une puissante lampe horticole[1]. Elle doit durer jusqu’à ce que la couleur verte du papier sensible devienne jaune pâle. Cela peut aller de un quart d’heure à deux heures, selon l’ensoleillement et le moment de l’année.

À la différence de la plupart des procédés de reproduction photographique, la révélation de l’image ne nécessite pas l’action d’un agent chimique ; elle s’accomplit par le seul effet de la lumière. L’image révélée est un monochrome vert sur fond blanc cassé[2].

Un anthotype terminé.

2.5 Conservation

Les anthotypes ne se conservent qu’à l’abri de la lumière naturelle, car celle-ci contient beaucoup d'ultraviolets. Ils supportent par contre très bien la lumière des ampoules domestiques. On peut les conserver dans un album ou dans une pièce uniquement éclairée par une source de lumière artificielle.

Anthotype réalisé sur le principe du photogramme.

3 Explications

  • La chlorophylle, comme beaucoup de pigments naturels, se dégrade sous l’effet de la lumière naturelle qui agit comme catalyseur dans une réaction d’oxydation. Cette dégradation se traduit par un changement de couleur (brunissement, puis blanchiment).
  • Dans le jus de plante, il existe d’autres pigments, comme le carotène et les xanthophylles, de couleur jaune, qui sont masqués par la chlorophylle. Ces pigments sont partiellement révélés par la dégradation de la chlorophylle sous l’effet de la lumière, ce qui explique que le brunissement du papier tende vers le beige plutôt que le brun.
Les pigments séparés par chromatographie. De gauche à droite (dans l’éther) : carotènes, chlorophylle a, chlorophylle b, xanthophylles.
  • C’est grâce à ce phénomène de décoloration, sous l’effet d’une lumière forte, que l’on peut reproduire une image monochrome imprimée sur transparent. En effet, en plaçant l’image sur le papier sensibilisé, on crée des zones qui laissent passer la lumière et qui vireront au beige, et des zones qui occultent plus ou moins la lumière et resteront vertes.
  • L'anthotypie est donc un procédé positif, contrairement à la cyanotypie ou aux photogrammes sur papier argentique, qui sont des procédés négatifs (les zones exposées à la lumière deviennent foncées ; les zones protégées de la lumière restent claires).
Procédé photographique positif.
Procédé photographique négatif.

4 Variantes

  • Le photographe Vietnamien Binh Danh reproduit des images par contact direct d’un film positif sur une feuille d’arbre. Il faut quelques jours pour réaliser l’impression.
  • D’autres substances naturelles contenant des pigments permettent de réaliser des anthotypes : le jus de betterave ou de chou rouge, le curcuma, le paprika, le safran. Ces substances demandent néanmoins plus de temps d’insolation que la chlorophylle pour changer de couleur. Une étude de Malin Fabbri, tendant à l’exhaustivité, recense les végétaux et les pigments que l’on peut utiliser pour réaliser des anthotypes[3].

5 Pour en savoir plus

6 Références

  1. Ce procédé qui permet de réaliser des tirages en intérieur a été mis au point par Aurélien David, photographe qui a initié les élèves de la classe de CM2, co-auteurs du présent article, au tirage photographique à la chlorophylle.
  2. La couleur du fond varie en fonction du végétal utilisé, ainsi que de l’humidité du papier et de la chaleur entraînée par l’insolation. Elle peut aller du marron au blanc cassé.
  3. Anthotypes – Explore the darkroom in your garden and make photographs using plants, Malin Fabbri, AlternativePhotography.com, 2012 - ISBN : 978-1466261006

Cette page est une contribution de Jacques Vialle, professeur à l’école Estaque Gare (Marseille) et des élèves de sa classe de CM2 (année 2014-2015) : Angelo, Antonia, Assia, Carmen, Caroline, Célina, David, Emma, Hermine, Jade, Jinah, Joris, Lou-Anne, Marius, Maxime, Medina, Sabrina, Samy, Sana, Sarah, Selma, Yacine, et Yanis.