Fabrication de peintures rupestres

Un article du site scienceamusante.net.

Comment arriver à fabriquer des peintures qui tiennent des milliers d'année dans une caverne ? Même si là n'était pas forcément le but des Hommes préhistoriques, il y a 20 000 à 30 000 ans, ils ont dû tâtonner et améliorer leurs peintures afin qu'elles résistent à l'eau et au dégradation du temps.

Voici une expérience pour tenter de retrouver les formulations de telles peintures, par essais et erreurs, en n'utilisant que des substances disponibles dans la nature.

1 Qu'est-ce qu'une peinture, au fait ?

Pour cet animal imaginaire : peinture noire à base de charbon de bois pilé et de sang ; peinture ocre à base de terre ocre, miel et graisse ; peinture rouge à base d'oxyde de fer et œuf. Application avec brindille de bois et doigt.
C'est une première question à laquelle il faut réfléchir ! Une peinture n'est pas seulement constituée d'une couleur. Une peinture est l'ensemble d'une substance colorée stable et d'un liant qui permet de la fixer au support.
  • La nature du support est importante pour la fabrication de la peinture, car on ne fabrique pas une peinture avec les mêmes ingrédients, selon que le but est de peindre du papier, du carton, tissu, du bois ou de la pierre.
  • Le liant est ce qui permet à la couleur d'être fixé fortement au support. Le liant dépend donc de la nature du support, mais aussi de la nature chimique de la substance colorée utilisée. Le liant agit aussi comme protecteur de la couleur, contre les agressions chimiques, physiques ou biologiques extérieures.
    • Par agression chimique, il faut comprendre l'action des substances telles que l'eau, le dioxygène contenu dans l'air, ou d'autres produits.
    • Par agression physique, on entend les contacts, les frottements plus ou moins forts, mais aussi la lumière.
    • Par agression biologique, on fait allusion aux bactéries, champignons et autres organismes qui pourraient dégrader les composants de la peinture ou du support.
  • Enfin, la substance colorée, ou le mélange de substances, peut être de natures diverses :
    • Végétale et animale : jus de plantes, de fleurs, de fruits, jus d'insectes écrasés, etc. sont souvent des substances organiques facilement altérées avec le temps, et ne sont pas stables. Peu utilisable donc.
    • Minérale : pierres et roches finement broyées, terres ocres lavées, broyées et séchées, tous ces pigments sont relativement stables et utilisables pour faire des peintures dont la couleur dure.
    • Synthétique : si la chimie moderne permet de fabriquer des milliers de couleurs différentes, le simple fait de brûler du bois pour en faire du charbon noir constitue déjà une pratique que l'on pourrait qualifier de "synthèse chimique" ! Ainsi, les résidus de combustion d'éléments végétaux (bois, plantes) ou animaux (corne, ossements) sont aussi des pigments relativement stables.

2 Tests de peintures par essais et erreurs

Un autre animal imaginaire ! La peinture blanche est réalisée avec de la craie broyée et un peu de blanc d'œuf.
  • Nous avons un grand choix de substances naturelles, tant pour les liants que pour les pigments.
  • À l'aide d'un pilon et d'un mortier (ou de pierres), on peut broyer et mélanger des substances entre elles, et les incorporer à un liant de son choix.
  • Il suffit alors de fabriquer des mélanges, selon l'inspiration, et de les tester sur un support.
  • On peut alors tester si la peinture est facile d'utilisation, stable face aux dégradations déjà citées, et si elle est résiste au temps.

Les listes suivantes s'obtiennent simplement en interrogeant des élèves d'école primaire.

2.1 Liants possibles

  • Eau
  • Salive
  • Urine
  • Sang (mais coloré)
  • Graisse (boeuf, porc...)
  • Résine et sève d'arbres ou de plantes
  • Cire d'abeille
  • Miel
  • Œuf (blanc et/ou jaune)
  • autres fluides corporels

2.2 Pigments possibles

  • Charbon de bois (noir)
  • Craie, calcaire (blanc)
  • Marbre (blanc à gris)
  • Cristaux de roches et pierres colorées
  • Terres ocres (de jaune à rouge, en passant par les bruns et marrons)
  • Oxyde de manganèse (noir)
  • Os calcinés (gris à noir)
  • Cendres (gris plus ou moins foncé)
  • Sang (rouge quand il est frais, mais virant au marron ensuite)
  • Fleurs, fruits, légumes, plantes...

3 Retrouve-t-on les compositions des peintures rupestres ?

Après avoir testé les différentes formulations possibles, on peut tirer quelques observations générales et conclusions :

  • Les couleurs des fruits, légumes, fleurs, etc. ne sont pas stables.
  • Seuls les pigments solides semblent résister au temps.
  • Un liant fluide sera plus commode pour peindre. Mais un liant trop fluide fera des coulées disgracieuses et la peinture aura du mal à sécher.
  • L'eau seule n'est pas un bon liant. Une fois l'eau évaporée, le pigment se détache facilement.
  • La graisse animale a tendance à couler si on la chauffe, mais colle bien et protège la peinture de l'eau (en effet, les graisses et l'eau ne sont pas miscibles).
  • Le sang est un bon liant car il adhère et sèche rapidement (coagulation), mais n'est utilisable qu'avec des pigments foncés.
  • La résine et la sève sont de bons liants car elles se solidifient rapidement, adhèrent bien au support, et enrobent bien les pigments.
  • L'urine colle un peu et sèche rapidement.
  • Le miel colle fortement mais peut supporter des moisissures.
  • Le jaune d'œuf, constitué de molécules tensioactives, permet de bien mélanger un pigment en poudre avec un liant visqueux (il a d'ailleurs été longtemps utilisé dans la peinture a tempera).
  • Le blanc d'œuf est liquide mais coagule facilement si on l'expose à la chaleur.

Finalement, les meilleurs résultats sont obtenus avec des mélanges de sang et de graisse, de résine, d'urine et de pigments minéraux ou résidus de calcination. Et les peintures préhistoriques étaient effectivement basées sur un tel mélange.

4 Références