Des tiges qui sifflent

Un article du site scienceamusante.net.

Peut-on produire un son très aigu à la limite du supportable avec une simple tige en aluminium ? Grâce à la physique des ondes sonores, c'est parfaitement possible. Cette expérience étonne un grand nombre de personnes, les physiciens eux-mêmes ! Outre son côté spectaculaire, elle est un moyen d'expliquer les bases des ondes sonores, de la fabrication du sons dans certains instruments.

Dans le même esprit, on pourra consulter l'expérience sur les modes de vibration d'un mug.

1 Matériel

  • Tiges en aluminium de même longueur mais de diamètre et formes de section différentes
  • Tiges en aluminium de même diamètre mais de longueur différentes
  • Tiges en laiton de même diamètre et même longueur que certaines tiges en aluminium
  • Cornière en aluminium de 2 ou 3 mètres
  • Colophane (se trouve dans un magasin d'instruments de musique, ou chez un luthier)

2 Protocole expérimental

  • Bien nettoyer les tiges d'aluminium avec de l'éthanol SGH02.
  • Réduire un petit bout de colophane en poudre et s'en enduire le pouce et l'index d'une main. En enduire aussi le long des tiges.
  • Repérer le centre d'une tige en la mettant en équilibre entre le pouce et l'index de l'autre main.
Tige repos.jpg
  • Bien tenir la tige entre le pouce et l'index et, avec le pouce et l'index enduit de colophane, frotter la tige en partant du centre vers une extrémité. Il y a un juste dosage de la pression à exercer le long de la tige pour que celle-ci résonne : ni trop faible, ni trop fort. Les doigts doivent glisser sans peine.
  • Faire résonner de plus en plus fort la tige en répétant ce mouvement de glissement.
  • Observer :
    • Les tiges sont d'autant plus difficiles à faire résonner qu'elles sont épaisses.
    • Les tiges de même longueur donnent la même note, quelle que soit la section.
    • Les tiges de longueurs différentes donnent des notes différentes : la note est plus grave quand la tige est plus longue (et inversement).
    • Les tiges faites de différents métaux (aluminium et laiton, par exemple) ne donnent pas la même note, même en ayant la même longueur et la même section.

3 Explications

  • Dans une tige métallique, on peut avoir plusieurs mouvements de vibration (onde), plus ou moins facile à réaliser selon la constante de raideur dans le sens du mouvement considéré :
    • Onde transversale : la tige oscille autour de son axe. Comme cela demande peu de force de déformer une tige selon ce mouvement, la vibration est de faible énergie donc de basse fréquence (note grave).
Tige transversal.jpg
    • Onde longitudinale : la tige se contracte et se dilate le long de son axe. Il faut plus d'énergie pour comprimer et dilater l'aluminium selon ce sens, la vibration demande plus d'énergie, donc une fréquence élevée (note aiguë).
Tige longitudinal.jpg
    • Onde de torsion : la tige fait un mouvement de torsion autour de son axe. L'énergie que ce mouvement demande est intermédiaire, mais il ne provoque aucun déplacement de surface avec l'air ; aucun son n'est produit, même si cette vibration existe.
Tige torsion.jpg
  • Avec des tiges de longueur égale mais de section différente :
    • on obtient la même fréquence (note), ce qui indique que le son est produit par la vibration longitudinale, dont la raideur ne dépend pas de la section.
    • on remarque que l'intensité du son augmente avec la surface de la section, car l'air déplacé par le mouvement est plus important.
  • Avec des tiges de section égale mais de longueur différente :
    • on obtient des fréquence différentes car la longueur d'onde λ dépend de la longueur de la tige. La fréquence f et la longueur d'onde sont liées par la vitesse de déplacement vAl du son dans l'aluminium selon la formule f.λ = vAl.
    • on obtient la même intensité car la surface de la section qui déplace l'air est la même. L'oreille peut par contre être plus sensible à certaines fréquences, d'où une intensité qui peut sembler variable.
  • Avec des tiges de longueur et section égales, mais de matériaux différents :
    • on obtient des fréquences différentes car la vitesse de propagation du son à l'intérieur d'un matériau dépend de la masse volumique ρ et du module d'Young Y (que l'on peut comparer à une constante de raideur) de ce matériau, selon la relation :
[math]v=\sqrt{Y/\rho}[/math]
avec les valeurs suivantes :
Matériau ρ (kg/m3) Y (Pa) v (m/s)
Aluminium 2,7.103 7,0.1010 ~5090
Laiton (70% Cu, 30% Zn) 8,4.103 10,1.1010 ~3470
  • On doit tenir les tiges par leur centre pour pouvoir exciter la vibration ayant un nœud de vibration en son centre, c'est à dire la première harmonique. La longueur d'onde λ correspond alors exactement au double de la longueur L de la tige. Il est possible de fabriquer des tiges de longueurs calculées afin d'obtenir les notes de la gamme : voir les tiges musicales.
  • Mais comment se forme le son avec les doigts ? Pour pouvoir créer et entretenir une vibration selon l'axe longitudinal, il faut communiquer à la tige des mouvements longitudinaux. Si on ne met pas de colophane, les doigts glissent le long de la tige sans donner ce mouvement. La colophane, qui est une résine solide, adhère à la peau et à l'aluminium. Ainsi, lors du glissement des doigts sur la tige, une série de mouvements saccadés se produit : c'est ce que l'on appelle le slip-stick (ou glisser-coller). Le phénomène se produit si rapidement qu'il est imperceptible. Pourtant c'est exactement le même qui se produit quand un archet accroche sur les cordes d'un violon. Les doigts collent à la tige, laquelle est légèrement étirée, puis d'un coup les doigts glissent et la tige retrouve sa forme, ainsi de suite. Cette série de slip-stick provoque une vibration entretenue qui est amplifiée à chaque passage des doigts sur la tige.