Le phosphore

Un article du site scienceamusante.net.

Le phosphore est un élément qui a été découvert en 1669 par Brand, extrait de l'urine humaine. Il tire son nom du grec phos (lumière) et phoron (transporteur) en raison de la luminescence de sa variété blanche.

Particulièrement simple à réaliser, cette expérience nous fait découvrir le phosphore, un composé qui a attiré l'attention de très nombreux alchimistes et chimistes depuis le Moyen-Âge par ses propriétés remarquables. C'est le phosphore rouge SGH02 qui est utilisée ici, mais il y a formation de phosphore blanc SGH02SGH06SGH05SGH09 (très toxique, corrosif, inflammable, polluant) durant l'expérience. Nous réalisons ici une expérience de chimioluminescence.

1 Précautions

Outre les précautions en chimie qui sont d'usage, cette expérience comporte les attentions suivantes :

  • Porter des gants et travailler (si possible) sous hotte aspirante. En cas de contact avec le phosphore, et pour nettoyer la cuillère, laver abondamment à l'eau et au savon. Ne pas respirer la fumée dégagée lors de la combustion. Éviter de respirer les vapeurs d'anhydride phosphoreux P2O3 SGH06 lors de la démonstration.
  • L'utilisation de phosphore blanc SGH02SGH06SGH05SGH09 pur serait extrêmement dangereuse car celui-ci, en plus d'être hautement toxique, est spontanément inflammable au-dessus de 30°C dans l'air et provoque de graves brûlures, compliquées par la présence d'acide phosphorique H3PO4 SGH05.

2 Matériel

  • Bandes marrons (grattoirs) de boîtes d'allumettes
  • Petite cuillère ordinaire en métal inoxydable
  • Briquet
  • Gants en latex

3 Protocole expérimental

  • Récupérer quelques bandes marrons que l'on trouve sur le côté des boîtes d'allumette en essayant de détacher le moins possible de carton.
Bande marron d'une boîte d'allumette.
  • Poser la bande à l'intérieur d'une cuillère, côté marron vers le métal.
Bande posée côté rouge vers la cuillère.
  • Avec le briquet, enflammer le papier de la bande par le dessus ; il doit apparaître une faible flamme de couleur bleutée qui consume petit à petit toute la bande. Ne pas respirer la fumée qui se dégage et ne pas chauffer par dessous.
  • Retirer la papier cramé délicatement, sans toucher au dépôt brun qui s'est déposé sur le métal. Recommencer cette opération avec une ou deux autres bandes marrons.
  • Laisser refroidir la cuillère, pendant ce temps enfiler un gant à chaque main.
  • Dans l'obscurité totale, frotter l'intérieur de la cuillère avec les doigts d'une main, frotter les doigts entres eux pour étaler la substance sur le gant. Observer une belle lumière blanche qui peut durer jusqu'à une minute, toujours en frottant les doigts. Ouvrez la main et observez les variations d'intensité lumineuse. De temps en temps, on peut même voir des vapeurs lumineuses qui s'élèvent au-dessus de la main.

4 Explications

  • Si les premières allumettes contenaient elles-mêmes du phosphore (et d'autres ingrédients), les allumettes actuelles ont été améliorées par sécurité : le phosphore rouge se trouve maintenant dans cette bande marron qui sert de grattoir et l'allumette elle-même ne contient plus que les autres ingrédients. La bande marron est constituée d'un mélange de phosphore rouge et de poudre de verre très fine déposé sur le carton d'emballage grâce à un liant. De plus, il existe deux variétés (allotropes) de phosphore : le phosphore blanc SGH02SGH06SGH05SGH09, toxique et inflammable, et le phosphore rouge SGH02, inflammable mais non toxique. Cependant l'un se transforme en l'autre avec la température et il faut toujours faire attention lors des manipulations.
  • En brûlant le papier, côté marron vers le métal, le phosphore s'évapore et se condense sur le métal froid.
  • On peut interpréter ce phénomène de la manière suivante : en frottant le phosphore déposé sur les doigts, on favorise son oxydation par le dioxygène de l'air. C'est une réaction chimioluminescente du même type que l'expérience des mains lumineuses. Il ne faut pas confondre la chimioluminescence avec la phosphorescence qui est un phénomène physique différent. Le phosphore rouge ne possède pas la propriété de donner une chimioluminescence ; seul le phosphore blanc est connu pour cela. Or on observe bien ce phénomène, ce qui conduit à dire qu'une petite partie de phosphore blanc est formé lors de cette expérience, ce qui implique de faire très attention à ne pas s'empoisonner !
  • Remarque : en faisant cette expérience en présence de lumière, on ne voit plus l'émission lumineuse mais on constate qu'une fumée blanche s'élève au-dessus des doigts. Il s'agit d'anhydride phosphorique qui se combine avec l'humidité contenue dans l'air pour former l'acide phosphorique SGH05 (ne pas respirer les vapeurs).

5 En savoir plus

  • La réactivité du phosphore blanc P4 SGH02SGH06SGH05SGH09 avec le dioxygène dépend de la température[1]. À pression atmosphérique (760 mmHg environ) :
    • En dessous d'environ 5°C, il n'y a aucune réaction.
    • Entre 5°C et 30°C environ, la combustion est lente. De nombreuses réactions s'enchaînent pour obtenir l'oxydation complète en P4O10 et la réaction de chimioluminescence se produit.
    • Au-delà de 30°C (température d'auto-inflammation), la combustion est vive, avec apparition d'une flamme très éclairante et chaude qui masque la luminescence. Attention à ne pas dépasser cette température pendant l'expérience car cela pourrait être dangereux !
Diagramme montrant les 3 zones en fonction de la pression et de la température[1]
  • La combustion lente se produit en plusieurs étapes successives.
    • La première réaction entre P4 et O2 produit la réaction suivante :
P4 + O2 → P4O• + O• (initiation)
    • La molécule produite réagit avec un autre O2, et ainsi de suite jusqu'à P4O10 :
P4O• + O2 → P4O2• + O• (propagation)
P4O2• + O2 → P4O3• + O• (chaînage)
...
P4O9• + O2 → P4O10 + O• (chaînage)
    • Lors de ces réactions, des radicaux très réactifs sont créés et peuvent réagir ensemble ou avec d'autres molécules, ce qui termine leur vie :
O• + O2 → O3 (terminaison)
O• + inhibiteur → produit stable (terminaison)
O• + parois → adsorption (terminaison)
  • Il a été montré[2] que la luminescence verte (que l'on appelle par abus de langage "phosphorescence") est due à une réaction parallèle. La collision entre un atome P et un atome O forme PO* qui, par désexcitation, libère de la lumière :
P + O• → PO* → PO + hν
  • Il paraît même que la luminescence disparaît à partir d'une pression supérieure à 2 bars car PO* se désexcite par choc (désexcitation thermique) plutôt qu'en émettant un photon (désexcitation radiative).

6 Références

  1. 1,0 et 1,1 F. S. Daiton, J. C. Bevington, Trans. Faraday Soc., 42, 377 (1946)
  2. F. S. Dainton, H. M. Kimberley, Trans. Farad. Soc., 46, 629 (1950)