Effet Coca-Mentos

Un article du site scienceamusante.net.

<keywords content="Coca-Mentos,coca,boisson gazeuse,mentos,bonbon,sucre,light,geyser,jet de mousse,réaction,éruption,explosion,mélange,nucléation,CO2,gaz carbonique,surface poreuse,spectaculaire" /> Qui ne connaît pas le célèbre effet "Coca + Mentos", dont le mélange provoque un impressionnant geyser de mousse pouvant atteindre 2 à 3 m de hauteur ?

D'où vient ce phénomène en apparence violent ? Y a-t-il des risques à boire du Coca-Cola® et manger des Mentos® ? Ce phénomène se produit-il aussi avec d'autres boissons gazeuses ?

Combien de vidéos, pages Internet et articles ont été écrits à ce sujet ?! C'est un excellent phénomène de mode de part sa facilité de mise en œuvre, son effet spectaculaires et inattendu et le relatif succès des boissons gazeuses et bonbons auprès du public jeune. Voici donc une page de plus pour tenter d'expliquer simplement ce phénomène, sur la base de travaux scientifiques tout à fait sérieux !

Remarque : les marques citées appartiennent à leur propriétaire respectif. Il n'y a aucune volonté ici de faire une quelconque publicité ou contre-publicité à ces marques. Seule l'étude physico-chimique du phénomène est considérée.

1 Précautions

Outre les précautions en chimie qui sont d'usage, cette expérience comporte les attentions suivantes :

  • Les boissons gazeuses contiennent des colorants alimentaires, du sucre, il est donc conseillé de porter des vêtements qui ne craignent plus rien.
  • Les boissons étant acides, il est conseillé de porter des lunettes de protection.
  • Les éclaboussures pouvant être nombreuses dans un rayon de 6 mètres, les expériences suivantes devront être réalisées en extérieur, dans un jardin par exemple.

2 Matériel et produits

  • Des bouteilles de diverses boissons gazeuses dont :
    • Coca-Cola®, sucré ou light, avec ou sans caféine
    • Autres marques de sodas de type Coca
    • Limonade
    • Eau gazeuse (Perrier®, Badoit®...)
  • Des bonbons de marque Mentos®, à la menthe ou aux fruits, mais pas sans sucre (light)
  • Un tube pouvant contenir 5 bonbons
  • Un bout de carton

3 Protocole et observations

Le geyser peut atteindre 2 à 3 m de haut !
  • Dans un lieu extérieur dégagé, déboucher délicatement une bouteille de boisson gazeuse et la poser au sol.
  • Introduire 3 à 5 bonbons Mentos dans un tube, ouverture vers le bas, les bonbons étant retenus par un bout de carton.
  • Placer l'ouverture du tube au-dessus du goulot de la bouteille. Retirer le carton afin que les bonbons tombent tous d'un coup.
  • Se reculer et observer l'effervescence, laquelle peut former un geyser pouvant atteindre 5 mètres de haut pendant 2 secondes !
  • En fin de réaction, observer la quantité de boisson restant dans la bouteille.

4 Explications

On peut trouver sur Internet de nombreuses vidéo et sites qui montrent ou expliquent ce phénomène. Certains donnent des explications plus ou moins rigoureuses. Les explications données ici ne prétendent pas révéler toute la vérité, et le lecteur est invité à exercer son esprit critique quelle que soit la source consultée !

D'après les observations, réalisées le plus rigoureusement possible, et les avis de différents scientifiques[1][2][3], il y a trois phénomènes qui sont à développer pour comprendre l'effet de geyser.

4.1 Le dioxyde de carbone dissout dans la boisson

Toutes les boissons gazeuses contiennent un gaz dissout en plus ou moins grande quantité : le dioxyde de carbone (encore appelé gaz carbonique ou anhydride carbonique), de formule CO2. Le CO2 a la particularité d'être soluble dans l'eau et former un équilibre qui dépend de l'acidité et de la température.

  • Le CO2 gazeux est en équilibre avec sa forme solvatée CO2(aq) :
CO2(g) ⇄ CO2(aq)
que l'on peut écrire en faisant apparaître plus explicitement le molécule d'eau :
(1) : CO2(g) + H2O(l) ⇄ CO2•H2O
D'ailleurs, on peut trouver cette équilibre écrit ainsi :
CO2(g) + H2O(l) ⇄ H2CO3
mais l'acide carbonique H2CO3 n'existe pas (il n'est pas isolable) ; il est plus rigoureux d'écrire CO2•H2O.
  • La forme dissoute est en équilibre[4] acido-basique avec l'ion hydrogénocarbonate :
(2) : CO2•H2O ⇄ H+(aq) + HCO3(aq) ; pKa1=6,35
et avec l'ion carbonate :
HCO3(aq) ⇄ H+(aq) + CO32–(aq) ; pKa2=10,33
En milieu neutre, c'est la forme hydrogénocarbonate qui est prépondérante. En milieu alcalin (pH basique) c'est le carbonate qui est majoritaire.

On peut donc influencer ces équilibres de différentes façons :

  • Une pression plus élevée en CO2(g) dans la boisson déplace l'équilibre (1) vers la droite, et donc l'équilibre (2) vers la droite.
  • Une acidité plus élevée dans la boisson déplace l'équilibre (2) vers la gauche et donc l'équilibre (1) vers la gauche.
  • Une température plus élevée a tendance à chasser le CO2 de l'eau, donc à déplacer l'équilibre (1) vers la gauche.

4.2 Acidité et température de la boisson : déplacement d'équilibres

Les équilibres ci-dessus peuvent être influencés par divers paramètres.

  • Le pH est un de ces paramètres car l'ion H+(aq) apparaît dans les équilibres.
    • L'augmentation de l'acidité (pH bas) va favoriser un déplacement de l'équilibre vers la gauche, c'est-à-dire vers CO2•H2O.
    • Au contraire, plus une boisson est neutre ou basique (présence des ions OH) et plus les équilibres seront déplacés vers la droite, c'est-à-dire vers la formation des ions hydrogénocarbonates (pH > 6,3) et carbonates (pH > 10,3) (ces eaux sont dites dures ou calcaires).
Or, justement, les boissons de type limonade ou Coca contiennent des acides : acide citrique et/ou acide ascorbique (vitamine C, conservateur) et, en ce qui concerne le Coca, de l'acide phosphorique H3PO4. Le Coca possède une forte acidité (pH = 2 environ) : les équilibres chimiques sont fortement déplacés vers la gauche, la quantité de CO2 potentiellement libérable est grande. La limonade est peu acide et contient aussi moins de CO2 à l'origine, elle mousse moins. Les eaux pétillantes sont très peu acides, elles moussent beaucoup moins. Cependant, si on ajoute à une eau pétillante une certaine quantité d'acide phosphorique pour abaisser le pH, on lui redonne une effervescence potentiellement plus grande.
  • La température est un autre paramètre car la quantité de CO2 que peut dissoudre l'eau dépend de la température, comme pour tout soluté gazeux ou solide.
    • Une température plus élevée augmente l'agitation moléculaire et favorise un déplacement de l'équilibre (1) vers la gauche, c'est-à-dire à la libération de CO2(aq) en CO2 gaz.
    • Une température plus basse diminue l'agitation moléculaire et le CO2 est plus soluble.
Ainsi, une boisson à température ambiante (25°C) ou plus chaude sera plus moussante qu'une boisson fraîche sortant d'un réfrigérateur à 4°C. Les plus spectaculaires geysers sont obtenus en été !

4.3 La nucléation

Alors que toutes les conditions (forte acidité et température élevée) peuvent être réunies dans une bouteille de Coca fraîchement et délicatement débouchée, un geyser ne sort pas spontanément de la bouteille dès son ouverture ! Il manque un amorçage essentiel au dégazage brusque de la boisson. La boisson est dans un état métastable : un état qui ne demande qu'à être perturbé pour évoluer vers un état beaucoup plus stable (à la manière d'une explosion). Une possibilité est de secouer la bouteille afin de provoquer l'agitation des bulles déjà présentes et engendrer d'autres bulles. C'est le phénomène du Champagne que l'on secoue sur un podium à la fin d'une course ! L'autre possibilité est d'introduire dans la boisson un corps solide rugueux ou poreux, c'est-à-dire ayant à sa surface un très grand nombre d'aspérités. Ces aspérités peuvent être microscopiques et invisibles à l'œil. De la limaille de fer, du sel de cuisine, du sucre en poudre peuvent être suffisamment rugueux pour servir de points de formation des bulles de CO2. Les rayures du verre sont aussi des endroits où se forment les bulles (très visible avec le Champagne) ; certaines coupes ou flûtes sont d'ailleurs volontairement rayée en leur fond pour faire apparaître des chapelets de bulles esthétiques et bien centrés. Les dépôts de calcaire dans un verre favorisent les bulles et la mousse, alors que les verres parfaitement propres et essuyés (sans peluches) peuvent ne pas provoquer de bulles ![5]

Mais alors qu'en est-il du bonbon Mentos ? Le Mentos fruité et le Mentos normal (pas la version sans sucre) possèdent justement un très grand nombre d'aspérités à leur surface, probablement dues à leur enrobage de sucre. Des images de microscopie électronique à balayage montrent ceci parfaitement. L'introduction de plusieurs Mentos dans la boisson gazeuse provoque alors la germination des bulles de gaz carbonique en très grande quantité. Le gaz carbonique dissout s'accumule alors sur les premières bulles formées, les faisant grossir rapidement. Les points de germination ou d'attache sont appelés germes et ce phénomène s'appelle la nucléation (qui vient du mot noyau). On peut aussi remarquer que si le Mentos est trop humide (soit déjà utilisé, soit sucé, soit mouillé à l'eau), l'effet de nucléation disparaît presque entièrement. En effet, le sucre étant soluble dans l'eau, l'enrobage perd de sa rugosité rapidement.

4.4 Une combinaison de conditions favorables

En résumé, voilà donc tout le secret de cette fameuse réaction Coca-Mentos, qui réside dans la combinaison de conditions très favorables à un dégazage violent :

  • une grande quantité de CO2 dissout dans le Coca (jusqu'à 6 bars dans une bouteille !),
  • des équilibres chimiques déplacés vers la libération du CO2 : forte acidité, grâce à l'acide phosphorique, et effet de la température,
  • nucléation fortement favorisée par la grande quantité d'aspérités en surface des bonbons Mentos.

L'apparition exponentielle des bulles dans la boisson provoque une expansion rapide de la boisson devenue hétérogène (bulles + liquide). À ces effets on pourrait ajouter que d'autres facteurs interviennent dans l'effet spectaculaire :

  • La forme de la bouteille et l'ouverture étroite du goulot font que le jet est bien droit et puissant.
  • La bouteille doit être débouchée délicatement, sans la secouer, de manière à conserver le maximum de gaz carbonique. Le pschitt ! résultant permet d'évaluer la pression interne. Ne pas attendre longtemps.
  • 3 à 5 Mentos suffisent pour une bonne effervescence. Leur introduction doit être rapide. Introduire 10 bonbons n'améliore pas grandement l'effet et présente plus de gêne qu'autre chose.
  • Le sucre et autres ingrédients pourraient avoir un effet sur la tension interfaciale entre les bulles et le liquide. Il est peut-être meilleur d'utiliser un Coca sans sucre (light) et sans caféine.

5 Quels risques pour la santé ?

On a pu voir circuler un mail qui attirait l'attention sur les dangers d'ingestion d'un mélange Coca + Mentos, formant soit-disant un poison mortel qui fait exploser la personne. Tout chimiste confirmé aura pu constater que ce mail était clairement un canular (hoax) et que les deux effets (poison et explosion) n'ont aucun rapport entre eux. Ceci a d'ailleurs été confirmé[6].

Voici les deux principales raisons pour lesquelles un tel mélange ne peut pas faire exploser quelqu'un :

  • Pour provoquer un tel geyser dans son estomac, il faudrait boire une bouteille de Coca. Or qui a déjà essayé de boire du Coca s'est rendu compte que le dioxyde de carbone est déjà en train de sortir de la boisson, et qu'il est difficile de boire une bouteille entière sans manquer de s'étouffer et sans roter comme un ogre ! La quantité de CO2 restant dans l'estomac (à 37°C) est donc bien plus faible que la quantité de CO2 présente dans la bouteille juste après son ouverture.
  • Pour qu'une éventuelle réaction se produise avec le Mentos, il faut préserver les aspérités en surface du bonbon. Or dès que le Mentos entre en contact avec la langue et la salive, les aspérités de surface disparaissent car les sucres et autres constituants sont dissous[7]. Pour avaler un solide, même non mâché, celui-ci est obligé d'être enduite de salive pour glisser le long de l'œsophage. Un Mentos arrivant dans l'estomac n'est donc plus actif pour réaliser la nucléation.

La seule chose qui puisse arriver en abusant de la boisson ou du bonbon est une trop forte quantité de sucre et d'acide dans l'estomac, ce qui peut provoquer un écœurement (nausée), une hyperglycémie dans les minutes qui suivent (dangereux pour les diabétiques) et une acidité gastrique élevée. En outre, cela fait roter pendant quelques minutes, le temps que tout le CO2 ressorte...

Cependant, il peut toujours y avoir un risque à tenter des exploits[8] et scienceamusante.net n'est pas responsable de vos actes !

6 Vidéo

7 Références

  1. Merci tout particulièrement à Pierre Aldebert pour son analyse et ses explications.
  2. Diet Coke and Mentos: what is really behind this physical reaction? T. S. Coffey, Am. J. Phys., vol. 76, n°6, 2008
  3. Coca, Mentos... et compétences, Philippe Delsate, Bulletin de l'Union des Physiciens, n°906, 2008
  4. Les pKa sont donnés à 25°C et sous pression standard. CRC Handbook of Chemistry and Physics, David R. Lide, 88th edition (2007-2008). ISBN 978-0-8493-0488-0
  5. Une bière servie dans un bar qui ne mousse pas peut être le signe d'une vaisselle très propre, et donc d'un bar bien tenu !
  6. Hoax Buster : http://www.hoaxbuster.com/hoaxliste/hoax.php?idArticle=53751
  7. Pierre Aldebert a montré ceci par microscopie à balayage électronique (MEB).
  8. Darwin Awards : http://www.darwinawards.com (en)