Détecter et éliminer les peroxydes dans l'éther

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Les étheroxydes, tels l’éther diéthylique SGH02SGH07 ou le tétrahydrofurane SGH02SGH07SGH08, peuvent former, sous l'action simultanée du dioxygène de l'air et de la lumière, des peroxydes (R-O-O-R) SGH01 et des hydroperoxydes (R-O-O-H) SGH01 qui y sont solubles, et très instables. Ces produits peuvent alors s’y concentrer par évaporation du solvant et présenter un risque important en termes de sécurité lors de l’utilisation, et surtout lors de la distillation, de tels composés. En effet, ils peuvent donner lieu à une explosion lorsqu'ils sont chauffés.

Ce risque implique donc que l’utilisateur de tels produits doit disposer de techniques permettant de détecter rapidement la présence de tels peroxydes, et le cas échéant de pouvoir les éliminer au mieux. Le présent article présente 4 tests de détection, dont 1 plus spécifique aux hydroperoxydes, et les autres utilisables indifféremment. Il présente en outre 5 méthodes d’élimination des peroxydes, dont 2 spécifiques aux hydroperoxydes. Cet article présente également les conditions d'emploi des tamis moléculaires.

Les procédures décrites sont applicables pour l’éthoxyéthane, mais sont également transposables aux autres éthers tels le THF, le dioxane SGH02SGH07SGH08, l’éther diisopropylique SGH02SGH07SGH08, et les autres composés liquides pouvant former facilement des composés peroxydés.

1 Détecter les peroxydes et hydroperoxydes

La détection s’appuie sur les propriétés oxydantes des peroxydes et hydroperoxydes, qui sont mises en évidence par formation d’une espèce colorée en présence d’un réducteur correctement choisi. Ils peuvent également former des complexes colorés lorsque mis en présence de vanadium en milieu sulfurique.

1.1 Test à l’iodure de potassium

Ce test est basé sur le caractère réducteur des ions iodures, lesquels introduits en excès en solution dans l’acide acétique (milieu réactionnel monophasique) ou dans l’acide chlorhydrique (milieu réactionnel biphasique) sont oxydés en diiode par les peroxydes et hydroperoxydes en présence. Le milieu réactionnel revêt alors une coloration jaune à brune (suivant la concentration en espèces peroxydées) caractéristique du diiode formé signalant un test positif, la coloration peut être renforcée par l’utilisation d’empois d’amidon (complexe bleuté en présence de diiode). L’absence de coloration signe l’absence de peroxydes.

  • Variante à l’acide chlorhydrique : dans un tube à essais, verser quelques millilitres d'une solution à 0,1 mol/L d'iodure de potassium SGH07 (ou d'iodure de sodium) SGH07SGH09, ajouter quelques gouttes d'acide chlorhydrique SGH05SGH07 afin de l'acidifier légèrement, verser ensuite quelques gouttes de l'éther à tester. Si l’éther testé n’est pas miscible à l’eau, on observe deux phases : l'éther constituant généralement la phase supérieure. Boucher le tube et l’agiter quelques secondes, observer.
    • Si la phase éthérée devient jaune, l'éther contient des peroxydes (test positif).
    • Si aucune couleur n'est observée, le test est négatif.
A gauche : test négatif, pas de peroxydes. A droite : test positif, présence de peroxydes.

Il semblerait que ce dernier mélange soit surtout sensible aux hydroperoxydes. Il n'empêche qu'il soit toutefois efficace dans la détection des peroxydes.

1.2 Test au complexe thiocyanatofer (II)

Dans le cas présent, la détection s'effectue par la capacité des peroxydes à oxyder les ions fer (II) en ions fer (III), qui modifie donc la coloration du milieu réactionnel de incolore à jaune.

Le réactif est préparé de la manière suivante :

Réalisation du test :

  • Dans un tube à essais ou une coupelle en céramique blanche, à une goutte du réactif, ajouter une goutte du liquide à tester. L'apparition d'une coloration jaune pâle à brun signe la présence de peroxydes. Cette apparition peut prendre jusqu'à 1 minute.

1.3 Test au réactif sulfovanadique (réactif de Jorissen)[1]

Préparation du réactif :

Réalisation du test :

  • Dans un tube à essais, verser 5 mL de l'éther à tester et 0,5 mL de réactif sulfovanadique. Des traces de peroxydes font apparaître une coloration brun-rouge de la phase sulfurique.

1.4 Test à la phénolphtaléine réduite[1]

C'est une méthode très sensible de détection des peroxydes qui a un très bas seuil de détection, un test positif est observable dès 0,005 % de peroxydes en présence.

Préparation du réactif :

  • Dissoudre 10 g de d'hydroxyde de sodium SGH05 et 1 g de phénolphtaléine SGH08 dans environ 30 mL d'eau distillée, puis compléter à 50 mL d'eau distillée.
  • Ajouter 5 g de zinc en poudre SGH02SGH09 et laisser au repos jusqu'à décoloration complète.
  • Le réactif doit être conservé en présence de l'excès de zinc.

Réalisation du test :

  • Dans un tube à essais, verser 4 mL de l'éther à tester et 2 mL d'eau distillée.
  • Ajouter une goutte d'une solution de sulfate de cuivre SGH07SGH09 à 0,2 % et une goutte de réactif à la phénolphtaléine réduite.
  • L'apparition d'une coloration rose indique un résultat positif.

2 Eliminer les hydroperoxydes

Si le test aux hydroperoxydes est positif, l'éther doit en être débarrassé avant de pouvoir l'utiliser. Il existe plusieurs procédures, toutes basées sur les propriétés oxydantes des hydroperoxydes, parmi lesquelles :

2.1 Réduction au sulfite

Ne peut être employée qu’avec des éthers non miscibles à l’eau.

  • Placer l'éther dans une ampoule à décanter, et y ajouter un égal volume d'une solution de sulfite de sodium à 5 % dans l'eau.
  • Agiter fortement l'ampoule en dégazant fréquemment de manière à ce que la pression ne devienne pas trop élevée dans l'ampoule.
  • Décanter (sans bouchon sur l'ampoule à décanter) et séparer les deux phases.
  • Sécher la phase organique sur sulfate de magnésium anhydre et la filtrer dans un ballon adapté.
  • Distiller le filtrat loin de toute source d'ignition, en utilisant un bain marie pour le chauffage, et un réfrigérant adapté.

2.2 Distillation sur sodium/benzophénone

Le sodium, mis en présence de benzophénone, dans un solvant quelconque, produit la formation d’un radical cétyl ion bleu lorsque le milieu est anhydre. En présence d’eau, ce radical est détruit et le mélange est alors jaune.

  • Dans un ballon monocol surmonté d'une boule à distiller, placer l'éther à distiller (THF, éther diéthylique, etc.) et environ 10 g/L de sodium et 1 g/L de benzophénone. Si l'éther contient de l'eau, on doit observer la coloration jaune du mélange obtenu.
  • Porter le mélange obtenu à reflux pendant quelques heures jusqu'à obtention et persistance de la coloration bleue.
  • Collecter le distillat sous atmosphère inerte.

Ceci marche aussi avec le toluène.

3 Eliminer les peroxydes

Si le test aux peroxydes est positif, l'éther doit en être débarrassé avant emploi. Les méthodes employées sont les suivantes :

3.1 Réduction au chlorure de fer (II) [1]

  • Placer l'éther à traiter dans une ampoule à décanter et y verser 10 % (volume/volume) d'une solution de 50 g de chlorure de fer (II) SGH05SGH07 dans une solution à 1 mol/L d'acide sulfurique SGH05 complétée à 250 mL. Agiter vigoureusement en dégazant régulièrement.
  • L'éther ainsi traité contient les produits de décomposition du peroxyde : acétaldéhyde et acide acétique. L'acétaldéhyde est oxydé par lavage avec une solution aqueuse acidifiée de permanganate de potassium 0,05 mol/L, et l'acide acétique est éliminé par lavage à la soude caustique à 0,1 mol/L et à l'eau. Sécher l'éther convenablement et le distiller à l'abri de l'air.

3.2 Passage sur alumine basique

L’alumine (ou oxyde d’aluminium Al2O3) basique est une alumine traitée avec une base forte, activée une nuit durant au four à 350 °C, elle permet de sécher et d'ôter les peroxydes présents dans l'éther diéthylique, le THF, le dioxane, et d'autres solvants polaires. Une colonne de 2 cm de diamètre remplie de 60 g d'alumine basique activée suffit pour traiter environ 500 mL d'éther éthylique, 350 mL de THF, ou encore 50 mL d'éther diisopropylique.

  • Remplir une colonne en verre munie d'un robinet avec un peu de coton, une couche de sable de Fontainebleau, et de l'alumine basique.
  • Faire passer l'éther à traiter au travers de la colonne, pousser modérément avec un gaz inerte (surtout pas d'air comprimé) si besoin est.
  • Recueillir l'éther purifié dans un récipient adéquat, sec, et contenant du tamis moléculaire (15 % masse/volume).

4 Utilisation de tamis moléculaires

Les tamis moléculaires sont des composés minéraux solides, de type aluminosilicates poreux, dont les pores ont une taille spécifique. Ces pores permettent d’emprisonner (à l’échelle moléculaire) l’eau contenue dans les solvants sans piéger les molécules du solvant. C’est ainsi que les « zéolithes » sont qualifiées de « tamis moléculaires », car elles permettent de piéger sélectivement les molécules d’eau et non pas celles de solvant.

5 Références

  1. 1,0, 1,1 et 1,2 Substances naturelles de synthèse en 10 volumes, Léon Velluz et al., éditions Masson (1951-1954) - Volume I